L'homme-publicité et la femme-publicité (2)
"La publicité vend bien plus qu'uniquement des produits. Elle vend des valeurs, des images, des concepts d'amour, de sexualité, de romantisme, de réussite et surtout de normalité. La publicité nous dit qui nous sommes et ce que nous devrions être."
Jean Kilbourne, écrivaine féministe ("Can't buy my love")
Même si nous avons la plupart du temps l'illusion que la publicité ne nous influence pas, la vision sexiste du monde qui nous est martelée s'impose telle une propagande. La doctrine est répétée jusqu'à ce qu'elle soit intégrée.
Comme le souligne Jean Kilbourne (prononcer "Djinn") qui est spécialiste de la publicité, "la publicité est un des agents de socialisation les plus puissants : pour les jeunes générations, elle est un cadre de référence et un modèle auquel elles sont très perméables."
La femme a donc pour rôle d'être sexy à toute heure, de tenir sa maison impeccable, d'être une mère épanouie, d'avoir pour but d'être désirable, jeune, belle (mais surtout pas intelligente, ça, ça ne sert à rien)... L'exemple-type, c'est cette pub où une jeune femme ultra sexy en sous-vêtements fermait la porte du four d'un coup de talons aiguilles...
Le publisexisme renforce l'idée que les différences (les inégalités, on peut le dire) entre les femmes et les hommes sont "naturelles". Or, on sait que c'est bien la socialisation différenciée des filles et des garçons (dans l'éducation, la famille, l'école, la culture, le langage, les images, les rôles sociaux, etc...) qui entretient la différence et la hiérarchie entre les hommes et les femmes. La publicité joue un rôle idéologique.
Autre problème : la publicité accentue le caractère marginal de celles et ceux qui ne rentrent pas dans la norme imposée. L'idéal de la beauté uniforme est la porte ouverte à l'exclusion, la légitimisation du mépris... pour les "trop gros", les "trop petits", les "trop vieux", les "trop ceci" ou "trop cela"...
Une étude américaine auprès d'étudiantes révèle que 70 % d'entre elles disent "se sentir mal dans leur peau après la lecture de ces magazines".
Un médecin français, lui, conclut que la moitié des jeunes femmes se trouvent trop grosses alors qu'elles n'ont pas de surcharge pondérale selon les normes médicales, parce qu'elles construisent leur image corporelle en référence aux images du corps des mannequins. D'où anxiété, dépression, dysfonctionnement alimentaire, trouble de l'estime de soi, etc...
Bref. Evitons les magazines de filles et les publicités... Prenons de la distance avec ces images que l'on ne choisit pas de voir mais qui nous sont imposées. Il faut se rappeler que l'image travaille à vendre...
Et gardons ça en tête : nous sommes nous-mêmes et peu importe si nous ne ressemblons pas à ces créatures fantasmées. Derrière les ronces enchevêtrées, se cachent des trésors...