La course : ne pas s'arrêter.
On est tous entouré de gens qui font tout pour ne pas regarder en eux-mêmes.
Souvent, nous sommes les premiers à fonctionner comme ça.
Ne pas s'arrêter. Bouger. Parler. S'agiter. Regarder la télé. Manger en lisant. Bricoler. Courir. Manger en regardant la télé. Faire du sport. Téléphoner en marchant. Agir. Courir. En retard. Pas le temps. La course.
Ne pas se poser, ne pas se mettre sur pause, ne pas être dans l'introspection, ne pas regarder en soi. On sait pourtant, de plus en plus, reconnaître que la mise sur pause est importante.
Méditer en pleine conscience. Être entièrement à ce qu'on fait. Aucune dimension religieuse ou philosophique. Juste amener sa conscience à être vraiment ici et maintenant.
Regarder défiler les pensées, les émotions, les angoisses, sans les laisser s'arrêter, avec un tout petit peu de recul pour ne pas tout prendre en pleine g...
Qui ne l'a pas connu ? Être englué dans la journée passée ou obsédé par celle du lendemain...
Lire une histoire à son enfant sans rien comprendre au récit parce qu'on est en train de penser à sa journée de boulot du lendemain...
Manger en pensant à tout sauf à ce qu'on met dans sa bouche, parce qu'on est obnubilé par la dernière dispute avec son compagnon...
Être incapable d'attendre dans une salle d'attente sans un livre ou son portable pour s'occuper l'esprit...
C'est à la fois très simple et très complexe, de s'arrêter ainsi...
Je commence à y arriver, notamment quand je fais la vaisselle ou que je mange en silence. J'arrive parfois à dompter le flot de mes pensées et de mes états d'âmes, à les laisser couler sans qu'aucun ne se bloque dans mon esprit. Par moment, lorsque je me couche... Juste m'écouter respirer, ne pas sauter sur la pile de livres de ma table de chevet. Me sentir vivante et ne rien faire, me sentir respirer... J'y travaille.
Demain, je me fais un vrai week-end de maman solo, le premier, finalement. Je me suis toujours arrangée pour ne pas être seule les week-ends où mes enfants sont avec leur père. Peur de me retrouver face-à-face avec moi-même, sans doute. C'est aussi - et surtout - que je devais laisser la maison, mais là, c'est bien fini. Je suis chez moi.
J'avoue que je n'ai pas vraiment le choix, pour ce week-end. Mais comme c'est ainsi, j'ai décidé d'en tirer le positif. Je vais me lever à pas d'heure, manger n'importe quoi, n'importe quand, même en pleine nuit si l'envie m'en prend. Je vais aller nager, me laisser porter par l'eau transparente afin d'évacuer les tensions accumulées.
Et écouter l'herbe pousser en caressant le chat qui squatte mon jardin, immobile et souriante. En pensant à ce que je suis en train de faire, là, maintenant.
M'arrêter. Stopper la course.
C'est un état de "présence" qui nous ouvre à nous-mêmes, aux autres, au monde qui nous entoure. C'est une façon d'être réellement vivant, sans être ce zombie-modèle de la société actuelle.
Oui, la véritable rebellion commence par rester immobile et souriant.