Les mots du désir
Vous le savez, j'aime les mots. Je trouve qu'ils sont sous-évalués dans leur impact, souvent dévalorisés, parfois oubliés ou même vulgarisés.
La société dévalorise le désir, particulièrement féminin. Les femmes sont souvent perçues comme celles qui ont toujours la migraine et pensent plus à leur prochaine machine à laver qu'à l'homme qui est dans leur lit...
Notre société de consommation réduit le désir à un commerce érotique, à une pilule magique ou à l'amour connecté.
On pourrait remettre la poésie des mots dans tout ça...
Prenons le cas des mots liés au sexe. En Occident, les mots attachés aux organes sexuels dévient vers des insultes, c'est souvent le cas (pardonnez-moi de ne pas donner d'exemples, vous trouverez seuls, j'en suis sûre)...
Si l'on remonte loin dans le temps, on trouve dans la culture de l'Orient des termes poétiques pour désigner les parties intimes. Le vagin devient "le vase accueillant", "la fleur de lotus doré" ou "la grille de vermeil", tandis que le clitoris est "la terrasse des joyaux", "le joyaux du dharma" ou "la pierre précieuse".
La différence ne réside pas seulement dans le fait que les termes soient valorisants mais aussi, d'après Sallie Tisdale, à l'oubli dans les sociétés occidentales, de cet objet du désir si mystérieux qu'est le clitoris. Il n'a aucun surnom, comme s'il nous était "sorti de l'esprit". Hasard ? Pour Sallie Tisdale, il faudrait plutôt y voir "le symbole de l'oubli dans lequel est tombé le désir féminin."
Selon Willy Pasini ("La force du désir"), enseignant en psychiatrie et psychologie médicale à l'Université de Genève, la sexualité féminine a été considérée comme "dangereuse" car "supérieure à celle des hommes", en l'absence de "période réfractaire" permettant d'enchaîner les rapports et de multiplier les orgasmes. "La forte répression du désir féminin serait donc une tentative de la classe dominante mâle pour exercer un contrôle sur une sexualité féminine qui, autrement, ne pourrait être satisfaite par aucun homme." Ainsi, un proverbe musulman affirme que "trois choses sont insatiables : le désert, la tombe et la vulve d'une femme."
Ceci expliquerait que certaines cultures aient inventé des rites cruels pour réduire à néant le pouvoir de la sexualité féminine, comme l'excision et l'infibulation. Les femmes ont subi et subissent encore, la répression rétrograde de leur désir.
La religion a toujours vu dans le désir une dimension animale de l'âme humaine, qui détournait l'esprit des activités autorisées et nobles. Dieu était le couvercle qui fermait la marmite pleine de désir où se trouvait le diable... De nos jours, le couvercle, qu'il soit religieux ou non, est parfois devenu si lourd qu'il en étouffe l'expression naturelle du désir.
Ouvrons les marmites et balançons les couvercles. Libérons l'énergie vitale.
Et sinon, il fait beau, les oiseaux chantent, et je vous souhaite un bon week-end !