Lettre à ma bouche
Vous commencez à me connaître, vous savez que je m'écris souvent, enfin à des petits bouts de moi : mes yeux, ma peau, mon ventre, mes jambes, etc... J'en ai déjà écrit pas mal, de ces lettres... Aujourd'hui, j'écris à ma bouche, je suis sûre que ça va lui faire plaisir, elle aime tellement qu'on parle d'elle, ça lui permet de se reposer en se taisant.
On dit rarement que les gens ont une grande bouche, on dit plutôt qu'ils ont une grande gueule, comme pour les animaliser. Je dis, moi, qu'il vaut mieux parfois savoir l'ouvrir que la fermer...
Toi, ma bouche, tu as souvent tendance à dégainer plus vite que ton ombre, tu assassines par les mots, tu as le verbe haut.
Pas du genre à rester bouche bée. Tu ne sais pas tourner ma langue sept fois à l'intérieur de toi. Tu n'es pas la seule, d'autres que toi, ma bouche, devraient aussi apprendre à réfléchir avant de parler, ou de choisir de se taire, d'ailleurs.
Tu n'es pas non plus du style bouche en cul de poule, comme toutes ces jeunes filles sur leurs selfies. Bouche cousue.
Tu sais sussurer, mordre, murmurer, avaler, bouffer, chuchoter, engloutir, croquer, lécher, dévorer...
Toi et moi, on n'a pas toujours été d'accord, tu voulais que je te remplisse, tu étais d'accord avec mon ventre, mais pas moi. Mon inconscient, lui, trouvait que c'était toujours trop. Il voulait me faire sentir légère, comme une plume. M'envoler loin de ce monde où je me sentais inadaptée. Je n'avais pas les codes. Je me demande souvent si je les ai, à présent. Je suis souvent à côté de ma bouche, de mes baskets ou de ma vie.
Toi, ma bouche, tu sais vomir toute la rage qui m'envahit. Tu sais cracher le venin qu'on fait couler dans mes veines.
Toi, ma bouche, tu sais manger. Tu sais parler. Tu sais embrasser, aussi. Douce sensation de s'abandonner entre les lèvres d'un autre, contre la peau d'un autre...
Tu sais souffler le chaud et le froid. La buée lorsqu'il fait froid. Le souffle chaud dans ton cou.
Bon, de bouche à oreille, je vais vous faire une confidence, je suis capable de parler la bouche pleine, et les bonnes manières, il m'arrive souvent de m'assoir dessus...
Devrais-je écrire à mon postérieur, à présent ?!