La pilule et sa fiabilité (acte I)
- Chéri, j'ai deux nouvelles à t'annoncer !
En fait, il y a une bonne nouvelle et une mauvaise.
La première, c'est que je ne suis pas ménopausée... Cool, pas vrai ?!
...
La deuxième... heu... J'ai du mal à le dire...
... Je suis enceinte... Moins cool, hein ?!
- Tu plaisantes ?
- Tu crois vraiment que j'ai envie de plaisanter, là ?
- ...
- Bon, tu ne dis rien ?
- ...
- Tu pourrais articuler un mot, je ne sais pas, moi : flûte, zut ou pire...
- Mais tu es sûre ?
- Oui. J'ai senti plein de signes qui ne trompent pas. Tu n'as rien remarqué... Par exemple, je n'enlevais mon soutien-gorge qu'au dernier moment, juste avant de me coucher, j'avais cette sensation de lourdeur caractéristique depuis un moment. Et plein d'autres indices... Alors j'ai fait un test.
- Mais c'est pas fiable, cette pilule ?
- Bah si, en principe, si... Un truc du genre 99%. C'est dingue, toutes ces femmes sous pilule qui avortent juste pour le plaisir de faire mentir les statistiques !
- Sois pas cynique.
- Tu préfères que je sois sinistre ? La vasectomie, tu ne voulais pas, je te rappelle.
- Oh, tu ne vas pas remettre ça sur le tapis.
- Tu as raison, c'est trop tard, de toutes façons.
- Qu'est-ce que tu envisages, concrètement ?
- Je ne sais pas, pleurer, taper des pieds, hurler et espérer que ça passe tout seul...
- C'est malin, ça.
- Tu nous vois avoir un bébé, là ? La "grande" a 20 ans, le "petit" 17 ans... et moi j'ai plein de cheveux blancs !
- Toi, au moins, tu as des cheveux, ma belle !
- C'est malin, ça.
- Quand j'irai le chercher à l'école, on me prendra pour la mamie...
- Mais non.
- Mais si, évidemment. Et toi, tu feras un chouette Papi !
- Tu veux le garder ?
- Non, je vais mettre une annonce pour refiler la portée à un voisin.
- T'es pas drôle !
- Non, mais tu crois que c'est drôle, ce qui m'arrive ? Je suis morte de trouille. Tu peux comprendre ? Ma première réaction devant ce p** de test de grossesse positif a été "Je ne peux pas le garder, pas à mon âge". Ma deuxième réaction a été "Ce bébé, c'est un miracle... Mais pourquoi s'est-on arrêté dans chaque église, sur notre route, à notre retour de vacances" ?!
- Et ta troisième réaction ?
- La seule censée : j'ai décidé de t'en parler pour voir ta réaction !
- J'en suis à la première réaction, moi : on ne peut pas le garder. Tu te vois te relever toutes les 3 heures la nuit, avec ton nouveau boulot et mon planning de malade ?
- Je ne vais pas attendre ta deuxième réaction. Tu vas venir avec moi pour la deuxième consultation ? Oui, je ne t'ai pas attendu pour la première. J'étais en panique.
- Je suis désolé.
- Pas tant que moi.
- Je serai là.
- Tu vas m'épauler, hein ? Avorter à mon âge. P**, quand tu penses que des jeunes luttent pour avoir un gosse.
- Je serai là.
- T'as intêrêt, parce que c'est aussi le tien, ce gosse qui ne verra jamais le jour...
- Pleure pas, tu vas me faire pleurer aussi.
- Bah tant mieux, ça fait des jours que je pleure en cachette.
- Tu aurais dû me parler avant.
- Promis, la prochaine fois, je t'en parlerai dès les premiers signes.
- On va faire en sorte qu'il n'y ait pas de prochaine fois.
- Tu préconises quoi, l'abstinence ?
- Bonne idée, je n'y avais pas pensé...
- Pfff...
- Bon, c'est à mon tour de penser à éviter l'"accident". Quel mot moche, pour désigner un bébé.
- On ne va pas rentrer dans des considérations métaphysiques sur la beauté des mots... C'est quand même dommage qu'il ait fallu cet "accident" pour que tu décides de te préoccuper de contraception à ton tour.
- Tu as raison, même si ça me fait mal au coeur de le dire.
- C'est pas le coeur, c'est l'ego qui parle, là.
- Bon, c'est quand, le rendez-vous ?